Pour un plan Ecophyto II pragmatique : Interview d’Eric Thirouin, Membre du Bureau et Président de la Commission Environnement de la FNSEA
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Pourquoi se mobiliser maintenant sur le projet de plan Ecophyto II ?
6 ans après le lancement du plan Ecophyto 2018, un bilan en a été tiré par le Député Potier fin 2014. Le Gouvernement s’est partiellement inspiré de ce bilan pour annoncer, en janvier dernier, ses priorités et rédiger son propre projet de plan Ecophyto II. Après une seule réunion de travail avec l’ensemble des parties prenantes, où les acteurs agricoles représentatifs sont largement minoritaires, le plan Ecophyto II vient d’être mis en consultation publique jusqu’au 29 juin prochain. Pour influer sur les choix politiques français, nous avons choisi de lancer un appel solennel au Premier Ministre.
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En quoi le projet du Gouvernement est-il pénalisant pour l’agriculture française ?
Les objectifs de réduction d’utilisation des produits phytosanitaires sont irréalistes : - 25 % d’ici 2020 et – 50 % en 2025 – et ce alors que la France, première puissance agricole européenne, est au 9ème rang européen en terme de consommation à l’hectare !
Un dispositif proche des certificats d’économie d’énergie, les certificats d’économie de produits phytosanitaires, est proposé. Chaque distributeur (Coop ou négoce) devra regrouper un minium de certificats équivalents à une réduction de 20 % de son nombre de doses unités vendues en 2015. En cas de non atteinte de cet objectif, il devra payer une pénalité correspondante à la totalité de sa marge sur ses ventes de produits phytosanitaire au-delà du seuil requis… Ce qui conduira de facto à un renchérissement important du prix des produits.
Autre sujet d’inquiétude majeur, le Certiphyto, avec un renouvellement tous les 5 ans au lieu de 10 ans et une évaluation des connaissances.
En outre, le Gouvernement souhaite accélérer, dès maintenant, le retrait de substances actives, et ce sans attendre de disposer de produits de substitution. Il ne flèche pas en priorité les moyens financiers sur la recherche opérationnelle de solutions innovantes de moindre impact sur la santé humaine et l’environnement.
Par ailleurs, il a certes prévu d’aider les agriculteurs pour l’acquisition d’agroéquipements, d’outils d’aide à la décision… indispensables à une meilleure maîtrise de l’utilisation des produits phytosanitaires. Mais les circuits financiers imaginés sont tellement coûteux et complexes que personne ne pourra accéder à ces aides. Or les agriculteurs contribuent directement au financement du plan Ecophyto à plus de 70 millions d’euros, suite à une hausse de 30 millions d’euros de la Redevance pour pollution diffuse décidée en 2015 par le Gouvernement - en pleine contradiction avec son engagement de ne plus augmenter la fiscalité !
Enfin, une nouvelle Gouvernance est annoncée, avec une place encore réduite pour les acteurs agricoles.
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Quel intérêt de signer en nombre l’appel à Manuel Valls, Premier Ministre ?
Notre objectif, au travers de cet appel au Premier Ministre, est de constituer un électrochoc, pour le Gouvernement, afin que soient reconnus notre savoir-faire, les progrès dans la maîtrise des produits phytosanitaires, mais aussi notre besoin d’une palette de solutions efficaces pour protéger nos cultures et produire en France une alimentation de qualité et en quantité.
Etre premier de la classe au niveau européen dans la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaire n’est pas notre projet agricole à la FNSEA. Nous souhaitons un plan Ecophyto II orienté sur la réduction des risques et impacts pour la santé humaine et l’environnement, une priorité à la recherche opérationnelle, une incitation constructive des agriculteurs et des acteurs des filières à l’évolution des pratiques, une communication positive sur notre métier. En gros, du pragmatisme !
Seule une forte mobilisation des agriculteurs et des acteurs des filières agricoles nous permettra une réécriture en profondeur du plan Ecophyto II.
Je compte sur vous pour mobiliser vos voisins agriculteurs, vos familles, l’ensemble des acteurs des filières agricoles pour continuer à produire et manger français.